Un habitat intégré aux lois de la nature – Principes d’architecture védique
Avant la sédentarisation, une tendance des 50’000 dernières années, nos ancêtres passaient tout
leur temps dans la nature. Tant qu’ils s’abritaient dans des grottes, et ensuite des huttes de bois,
feuillages, paille, peaux, argile, terre sous la forme de pisé ou de torchis, ou encore dans des
igloos, les lois de la nature prévalaient, et nos ancêtres les respectaient. L’élément le plus
technologique était certainement la chaux, apparue dès le néolithique, utilisée plutôt comme
enduit par les Grecs, et véritablement incorporée dans la construction dès le IIIe siècle avant l’ère
chrétienne par les Romains.
Un changement drastique s’est opéré depuis la révolution industrielle, dès le XVIIIe siècle, et
surtout depuis l’avénement d’une production industrielle qui ne rendait plus l’homme dépendant
des simple matériaux locaux et de leur disponibilité.
Pourquoi un habitat copiant l’intelligence de la nature
Pour en revenir à nos lointains ancêtres, l’espace intérieur leur servait à se protéger, se reposer, et
se nourrir en toute sécurité. Aujourd’hui encore, la véritable fonction d’un lieu de vie est celle-ci:
se sentir protégés et nourris. De plus, la nature n’est pas un concept, nous en faisons partie, et
tout ce que nous mettons en place qui nous en sépare, qui dissipe notre empathie envers toute
forme d’existence et donc envers nous-mêmes, est dangereux pour l’équilibre et la santé à
l’échelle individuelle autant que de l’espèce. Avec l’essor qu’a pris notre espèce, cela est même
devenu un facteur compromettant pour d’autres espèces.
Les bâtiment dans lesquels nous passons une grande partie de notre temps, notre lieu de vie,
voire notre lieu de travail, possèdent ainsi une influence majeure sur cette conscience de
l’existence et sur notre santé mentale et physique. Ces bâtiment sont devenus une interface entre
nous et la nature. Cette interface peut aussi bien nous y connecter et encourager la vie, que nous
en couper et l’affecter. Le coût en résultant induit malaise, malheur et maladie. Cela est
particulièrement vrai pour notre lieu de vie, où nous passons normalement l’essentiel de notre
temps dans un espace intérieur. En suivant les lois de la nature, et faisant de nos bâtiments une
extension de notre physiologie, cette structure cohérente soutiendrait le fonctionnement et la
cohérence de notre cerveau, et induirait des séquences d’événements fructueux, de façon
similaire à l’effet Meissner en physique quantique.*1 C’est sur cette base de réflexion que se
fondent les principes de l’architecture védique, ou Vastu, décrite dans les Védas, ensemble de
textes sacrés de l’Inde ancienne.
Notre mode de vie depuis la révolution industrielle des XVIIIe et XIXe, point de départ de la
nouvelle ère que l’on a nommée anthropocène*2, nécessite un retour immédiat et sans condition
vers un mode de vie naturel et respectueux. La tradition védique n’en connaissait pas d’autre, et
des sages, ou rishis, au fil des siècles, ont transmis leur compréhension des lois de la nature, et
de la façon de vivre en harmonie avec elles. Le Vastu constitue la partie concernant l’architecture.
Et il est peut-être temps de s’intéresser à ce que nous ont transmis ceux qui vivaient bien plus
intimement proche de la nature, et pensaient certainement avec moins d’illusion et de
superficialité qu’aujourd’hui; non pas avec une crédulité aveugle, mais pour en extraire la
pertinence pour notre époque, et conserver foi en l’humain et optimisme, grâce à ces mains qui,
du fond des âges, se tendent encore vers nous, et voudraient certainement nous voir apporter
notre contribution.
Les principes d’un habitat selon l’intelligence de la nature et ses lois
L’élément essentiel en Vastu est d’abord le soleil. Il est la source et la condition à toute vie,
l’horloge qui la rythme, et constitue une source d’énergie durable et incommensurable. Le globe
terrestre tourne en direction de l’Est, et ainsi le soleil et tout ce qui vient composer notre ciel surgit
de l’Est. Cette direction est celle d’où la vie surgit et vers laquelle ses représentants avancent
malgré eux sans discontinuer. Depuis des temps immémoriaux, l’animal à ressenti, poussé par
son instinct, l’effet positif de l’aube, la joie et la vitalité apportés par les premiers rayons du soleil.
Pourquoi? Parce que la physiologie du cerveau est sensible aux points cardinaux (notre
hippocampe est une glande particulièrement sensible à l’orientation), qui modifient son
fonctionnement. L’Est est ainsi une direction empreinte de positivité à privilégier, tout comme la
lumière du soleil la matin. Faire face à l’Est permet de recevoir et percevoir la vie dans son
intégralité. La tradition conseille ainsi d’entrer chez soi à l’Est, de favoriser les sources de lumière
naturelle côté Est, et de dormir la tête à l’Est. Pour étudier, pour méditer, faire face à l’Est est
également bénéfique. Et si cela n’est pas possible, le Nord est une seconde option également
favorable pour placer l’entrée de la maison, et le Sud pour dormir. Quelle bonne nouvelle pour les “habitants du léger” (l’habitat léger se caractérise par son poids léger, sa mobilité et sa réversibilité), qui choisissent et modifient
facilement l’orientation de leur habitat.
La meilleure référence est le véritable Est solaire, où le soleil se lève aux équinoxes. C’est cette
direction vers laquelle devrait se tourner le principal point d’entrée et de sortie d’un lieu de vie. La
tradition considère que durant sa course, l’énergie solaire revêt différentes qualités. Ainsi l’on peut
aussi enquêter plus en détail pour placer judicieusement chaque pièce d’une maison. Dans un
habitat léger aux dimensions plus modestes, si l’on veut pousser plus loin l’expérience cardinale,
il suffit de se déplacer en fonction de son activité!
Les repères cardinaux dans un habitat constituent un autre élément important. L’axe sur lequel
tourne notre planète (pôles Nord et Sud) et sa rotation, dessinent une grille dont les éléments sont
toujours alignés avec les 4 points cardinaux. Notre cerveau et nos neurones nécessitent ces
repères, pour réfléchir de façon cohérente et rationnelle*3. Ainsi, selon le Vastu, la carré ou le
rectangle sont les meilleurs choix en matière de forme d’habitat.
Un second paramètre consiste dans les proportions de l’habitat. En particulier sa symétrie. La
symétrie est présente partout dans la nature, pour exemples un papillon, une feuille, un paon,
pour les plus évidents, ou encore l’ADN, les cristaux de glace, les galaxies. Je vous invite à
observer. Concrètement, même si la symétrie n’est pas parfaite, elle tendra toujours à la
perfection. Selon certaines théories de sélection naturelle, la symétrie est un signal parmi
d’autres, de potentiel pérennité et adaptabilité, nécessaires à l’évolution. Un paramètre facilement
observable, tout comme comme la force lors des combats d’animaux, les couleurs, ou encore les
cris comme dans le cas du brame du cerf. Des études ont démontré que inconsciemment, la
symétrie nous attire et nous parle. Cette théorie a été depuis approfondie: la symétrie serait un
phénomène d’optimisation en rapport avec le mode de vie d’un être vivant. La symétrie
permettrait à notre physiologie de fonctionner plus efficacement*4. Le sujet est encore peu connu
et très débattu, avec également la possibilité que la symétrie nous soit si familière dans le monde
naturel, qu’elle soit devenue un facteur rassurant*5. Quelle qu’en soit l’explication, les proportions
harmonieuses, à l’image des modèles présents dans la nature, sont un facteur mis en exergue par
la tradition.
Plus facile à percevoir car fonctionnant à un niveau plus élémentaire, les matériaux constituent
un paramètre essentiel au bien-être. Il est courant aujourd’hui de parler du SBS, “Sick Building
Syndrom” ou “syndrome du bâtiment malade”, lorsque les matériaux affectent notre santé,
lorsque le bâtiment nous rend malade. Les causes sont à la fois la toxicité des matériaux, et le
manque d’air frais. Au niveau de la toxicité d’un bâtiment, il faut également prendre aujourd’hui en
considération les fréquences électromagnétiques, dont les sources ont augmenté de façon
exponentielle, et qui interagissent au niveau cellulaire (les cellules communiquent par influx
électriques) avec la physiologie. En matière d’air, une maison “passive”, soit optimisée en matière
d’efficacité énergétique pour avoir les besoins les plus limités en chauffage ou refroidissement, ne
doit pas éclipser la nécessité de renouveler l’air ambiant en ouvrant régulièrement ses fenêtres.
Sans impacter une consommation énergétique modérée, à la base de l’habitat léger, ce geste
évite aussi les effets néfastes des chocs thermiques sur la santé.
Enfin, abordons un dernier élément: le terrain, sa topographie et sa localisation. Selon les mêmes
principes, on devrait privilégier une entrée face à l’Est ou au Nord. Toujours pour les mêmes
raisons, il faudrait éviter les emplacements côtoyant une élévation trop proche du côté Est
(montagne, colline, pente ascendante, et dans une moindre mesure forêt dense), qui minimiserait
l’apport de rayonnement solaire au matin. L’idéal est de recevoir la lumière dès les premiers
rayons. Concernant les plans d’eau proches, il faudrait éviter qu’ils soient situés au Sud ou à
l’Ouest. Bien sûr, il faut penser à éviter les lignes à haute tension et les antennes, évaluer toute
pollution environnante ou du sol, ainsi que le voisinage. Pour construire une énergie qui circule et
la conserver, il est recommandé de définir le périmètre du terrain avec un type de barrière naturel
et accueillant, qui n’enferme pas la parcelle sur elle-même. Elle permettra aussi de déterminer
l’entrée.
Enfin, quelques derniers éléments considérés comme importants en architecture védique, sans
lesquels ce tour d’horizon serait incomplet, doivent être mentionnés. Une décoration est posée au
faîte du toit. Appelée Kailash, elle représente la connexion avec le cosmos. De même, un espace
appelé Brahmasthan, en général un carré, est réservé au centre du plein-pied de la maison et
représente son noyau, son “coeur”. Et bien sûr, il convient de s’entourer de nature!
Invisible et essentiel, l’air que nous respirons
Ce qui nous touche particulièrement à une époque saturée de matériaux dangereux pour nous et pour l’environnement, est la qualité de l’air de notre intérieur. Élément essentiel à une bonne
santé, une bonne qualité de l’air est étroitement liée à l’usage de matériaux naturels et non
toxiques. L’usage de matériaux synthétiques relâche en effet dans l’air que nous respirons des
composants chimiques volatiles capables de rendre l’air bien plus toxique que celui de l’extérieur.
Ainsi, des matériaux “propres” et une bonne ventilation sont les deux conditions au maintien de la
qualité de l’air intérieur.
Il peut être utile de rappeler les principaux critères de sélection au sein même des matériaux
naturels et non toxiques: leur compérage avec le climat, leur poids, leur résistance (feu, chocs,
moisissure, insectes), leur perméabilité à l’air, leur efficacité énergétique (isolation et inertie
thermique), leur isolation acoustique, leur prix, la facilité à les travailler, leur versatilité et leur
recyclabilité. Enfin, le premier et incontournable critère dans le choix d’un matériau “vert” devrait
être sa disponibilité localement. Parmi les matériaux que vous choisirez, attention aux versions
collées, et aux colles en général. Une fois ces critères respecté, il ne reste plus qu’à considérer
les finitions. La peinture peut être également une source importante de pollution ambiante, et les
labels ne sont pas toujours garants de qualité. Il existe aujourd’hui de très belles peintures
d’argile, au rendu et à l’odeur simple et neutre, et pour la finition des sols en bois, des huiles et
des cires totalement naturelles.
Conclusion
Savoir observer les exemples foisonnants de la nature, et respecter avec toute l’humilité qui se
doit son intelligence organisationnelle qui dépasse l’entendement humain, sont les seules
compétences requises pour être en mesure de se bâtir un lieu qui contribue à l’équilibre physique
et psychique de la physiologie humaine. En effet, en étant capable de suivre les principes
architecturaux des structures naturelles, en suivant l’intelligence à la base de la nature, en
n’entravant pas la fluidité de la vie et le processus d’évolution, aucune entreprise n’entravera celui
de ses habitant. En un mot, l’habitat peut devenir un facteur de bien-être, et à un niveau plus
subtil, de bonheur partagé et de succès.
Ici se trouve peut-être un défi de notre temps: développer notre perception au-delà du niveau
élémentaire de ce qui est ostensiblement visible et plus grossier dans sa forme, pour observer
également les influences plus subtiles et invisibles à l’oeil nu. Ces influences sont tout aussi
considérables, et de mieux en mieux révélées par la science, notamment grâce aux études
atomiques, quantiques*6 et relatives au cerveau et au système nerveux.
Nul besoin de révolutionner sa maison. La connaissance de tels outils permet d’élargir notre
conscience du monde. Et c’est déjà avoir effectué le plus laborieux morceau du chemin vers la
solution. Tant de bibliothèques ont brûlé au fil des siècles, pourquoi ne pas se pencher un peu sur
ce qui est parvenu jusqu’à nous?
*1 L’effet Meissner est un phénomène d’exclusion totale de tout champ magnétique de l’intérieur
d’un supraconducteur quand il est porté à une température inférieure à sa température critique.
Ici, il est utilisé pour illustré le fait qu’un système cohérent écarte les influences qui lui sont
étrangères.
*2 L’Anthropocène est une proposition d’époque géologique qui aurait débuté quand l’influence
de l’être humain sur la géologie et les écosystèmes est devenue significative à l’échelle de
l’histoire de la Terre. (Wikipédia)
*3 En tenant compte que la connaissance du cerveau humain n’en est qu’à ses balbutiements, les
fonctions principales de l’hippocampe supposées aujourd’hui sont la mémoire, la navigation
spatiale et l’inhibition du comportement.
*4 Apparus il y a 600 millions d’années, les organismes complexes (dotés d’organes) sont presque
tous structurés par rapport à un axe central (symétrie radiale) ou par rapport à un plan (symétrie
bilatérale). Un phénomène en rapport avec leur mode de vie. En règle générale, la symétrie radiale
est associée à la sédentarité d’animaux fixés à un substrat (anémones de mer, coraux…) et aux
plantes. Cette symétrie permettrait à ces organismes d’avoir une plus grande surface de contact
avec leur environnement et une disposition optimale de leurs organes. Quant à la symétrie
bilatérale, elle est caractéristique des organismes mobiles. Elle permet une pénétration aisée de
l’animal dans son milieu et une disposition adaptée des organes. La symétrie bilatérale est ainsi à
l’origine de la céphalisation (concentration des organes sensoriels et des centres nerveux dans la
tête). Certains organismes peuvent même passer d’une symétrie à l’autre au cours de leur vie:
c’est le cas des oursins ou des étoiles de mer, dont la symétrie est bilatérale chez la larve mais
pentaradiée (symétrie radiaire de base cinq) chez l’adulte. (Science & Vie, août 2009)
*5 “Je dirais que la symétrie représente l’ordre, et nous avons soif d’ordre dans cet univers
étrange où nous nous trouvons.” Alan Lightman, physicien, dans “L’univers accidentel: le monde
que vous pensiez savoir”
*6 Le champ énergétique dessiné par les directions nord, sud est et ouest, les pôles et la rotation
de la planète, correspond à la mécanique quantique des champs
Rédactrice: Clarissa